Reporting
Afrique du Sud: les «gogos», celles qui initient le changement [3/5]
Les « gogos » – un terme pour désigner les grands-mères dans plusieurs langues locales sud-africaines – sont l’un des piliers de la société sud-africaine. Ces grand-mères étaient en première ligne lors du combat contre le VIH, à partir des années 2000, pour sensibiliser et changer les mentalités. Désormais, certaines se saisissent aussi du combat contre l’homophobie. C’est le cas de Lizzie Venfolo, dans le township de Nyanga, à l’est de la ville du Cap.
Ce reportage est soutenu par une bourse de l’International Women’s Media Foundation (Fondation internationale pour les femmes dans les médias).
Il y a dix ans, Lizzie Venfolo regardait la télévision dans sa maison très modeste du township de Nyanga. C’est alors qu’un homme encagoulé est entré dans la chambre de sa petite-fille, Phumeza. « Lorsque l’on a entendu le premier coup de feu, j’étais en état de choc, et je ne réalisais pas ce qui se passait, témoigne Lizzie. Puis l’homme a tiré une deuxième fois, et j’ai commencé à comprendre que quelque chose de grave se passait. Phumeza a demandé ‘Mais qu’est-ce que je t’ai fait ?’ et alors il y a eu un troisième coup de feu, et c’est à ce moment que cet homme a tué Phumeza. »
À 21 ans, Phumeza Nkolonzi ne cachait pas son homosexualité. Son meurtre n’a jamais été élucidé, mais Lizzie est persuadée qu’il s’agissait d’un crime homophobe. Ce drame a été un électrochoc pour la vieille dame de 79 ans, qui a, depuis, fait de la lutte pour les droits LGBTQI+ son propre combat. « J’ai décidé de faire cela parce que je continue d’entendre des choses sur les personnes LGBT. Avant, cela arrivait aussi, mais je n’étais pas vraiment informée sur ces questions, je ne connaissais rien. Mais avec ce qui est arrivé à Phumeza, j’ai commencé à comprendre, à vraiment écouter toutes ces histoires de jeunes maltraités ou mis à la porte de chez eux. Maintenant, je comprends qu’ils n’ont rien fait de mal, que les parents ne devraient pas avoir honte de leurs enfants, ou essayer de cacher qui ils sont aux yeux des autres. »
Désormais, Lizzie organise des groupes de parole dans sa communauté et participe régulièrement à des marches avec d’autres grands-mères, pour que chacun soit accepté comme il est dans le township. « Ca me semble bien d’en parler avec les personnes de mon âge, autour de moi. Mais j’aime aussi parler de ces sujets avec les plus jeunes, pour qu’ils grandissent et fassent les bons choix. »
Malgré des lois parmi les plus progressistes du continent, les meurtres homophobes et transphobes continuent de se multiplier dans le pays ces dernières années. Pour Funeka Soldaat, à la tête de l’organisation Free Gender, qui œuvre dans les townships du Cap, avoir comme alliées les personnes plus âgées est un atout. « Les plus anciens ont beaucoup d’expérience, et donc c’est plus facile pour eux d’échanger avec les familles, affirme-t-elle. Et les jeunes générations ont aussi beaucoup confiance en eux, car ils représentent une source de savoir et de sagesse, et ils peuvent changer les choses au sein de nos communautés. »
Mais c’est surtout la petite-fille de Lizzie, Nolufefe, 14 ans, qui est très fière du chemin parcouru par sa grand-mère. « Je trouve que c’est une grand-mère qui apporte beaucoup de soutien, et qui n’a pas peur de se battre pour d’autres enfants, ici, qui sont lesbiennes ou gays, explique la jeune fille. De voir ça, ça me motive beaucoup. »
Après une nouvelle vague de violences l’année dernière, les associations appellent le Parlement à voter une loi pour mieux combattre ces crimes de haine.