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Afrique du Sud: les «gogos», celles qui sont à nouveau mères [1/5]
Les « gogos » – un terme pour désigner les grands-mères dans plusieurs langues locales sud-africaines – sont l’un des piliers de la société sud-africaine.. Ces grands-mères portent parfois à bout de bras leurs familles grâce à leur petit job ou leur retraite. Le premier volet de notre série s’intéresse au rôle de mères que ces « gogos » doivent très souvent à nouveau jouer auprès de leurs petits-enfants.
Si une vingtaine de grands-mères se sont réunies ce matin dans le township d’Alexandra, au nord de Johannesburg, c’est pour parler d’un sujet difficile à aborder : « Comment évoquer la question des rapports sexuels avec ses petits-enfants ? » Jane Simmonds, à l’origine du projet, tente de dédramatiser la discussion : « Bon, combien d’entre vous ont peur de parler de sexe ? C’est inconfortable, n’est-ce pas ! »
Près de trois millions d’enfants sud-africains sont élevés uniquement par leurs grands-parents. À 60 ans, Joyce s’occupe seule de son petit-fils de 14 ans depuis sa naissance grâce à quelques aides sociales, suite à la mort de sa fille. Elle est contente de pouvoir échanger avec d’autres grands-mères.
« Oui cela m’aide, parce que les autres, elles sont exactement comme moi, elles élèvent aussi leurs petits-enfants. C’est nous, les “gogos”, qui permettront à nos familles de rester unies. Même mon fils m’a dit un jour que si je n’étais pas là, il ne sait pas où ils en seraient. C’est un peu comme les poules qui rassemblent et protègent leurs poussins. »
9% de la population a plus de 60 ans
Dans la société sud-africaine, le rôle joué par les « gogos » – un terme pour désigner les grands-mères dans plusieurs langues locales – est rarement reconnu, alors que le pays compte une proportion grandissante de personnes âgées par rapport au reste du continent, avec 9% de la population ayant plus de 60 ans.
Pour ces femmes, le fait de devoir compléter le rôle des mères est parfois une charge lourde. À 70 ans, Dudu doit s’occuper de son mari atteint d’un cancer, et aider ses filles à élever ses petits-enfants de 19, 17 et 14 ans, alors que leurs pères sont absents. « La deuxième, elle est déjà enceinte. C’est vraiment très dur. Cette grosse responsabilité pèse sur mes épaules, et j’ai aussi de l’asthme, et de l’hypertension. Donc c’est beaucoup de stress pour moi, mais j’essaye de faire que tout aille au mieux. »
Le capitaine des Springboks Siya Kolisi, Julius Malema, le chef de la gauche radicale, ou encore le DJ Black Coffee, tous ont été élevés par leurs grands-mères. Jane Simmonds de l’organisation « Gogogogo » explique pourquoi cette situation est si courante.
« Dans les années 90, le sida a tué beaucoup de Sud-Africains âgés d’une trentaine d’années, donc des orphelins ont été élevés par leurs grand-mères suite à la mort de leurs parents. Mais désormais, c’est surtout parce que les parents sont absents. Soit ils travaillent beaucoup toute la journée, soit les enfants restent à la campagne avec leurs grands-mères, alors que les parents vivent en ville. Ces grands-mères sont une source de stabilité pour les petits-enfants, une source de cohésion pour la famille, et elles jouent un rôle de solidarité au sein des communautés. »
L’association propose aussi à ces grands-mères des ateliers pour mieux se servir des outils technologiques, et être davantage connectées avec leurs petits-enfants.